Le
Malentendu (Il Malinteso)
opera da
camera tratta da Le Malentendu di Albert Camus
(copyright Editions Gallimard 1958)
Libretto in lingua originale a cura del compositore
Interpreti:
Sofia Soloviy, Davinia Rodriguez,
soprani;
Elena Zilio, mezzosoprano; Mark Milhofer,
tenore
Quartetto Bernini; R.Petrocchi, clarinetti;
D. Flammini, fisarmonica
Direttore Guillaume Tourniaire Regia Saverio
Marconi
Sferisterio Opera Festival 2009
Macerata, Teatro Italia,
Prima rappresentazione assoluta: 26 luglio 2009
Replica: 29 luglio 2009
Le Malentendu (Il malinteso), esordio teatrale di Albert Camus, è
andato in scena per la prima volta al Théâtre des Mathurins
di Parigi nel giugno 1944. Camus si è rifatto all’essenzialità
strutturale della tragedia greca: quattro personaggi in tutto - più
una figura muta cui è riservata solo la battuta finale - chiusi
nello spazio angusto di un unico luogo: il soggiorno e la camera di
una locanda, in una piccola città della Boemia, nell’arco
breve di poco più d’una giornata.
Le Malentendu, first stage-work written by Camus, had his first performance
in June 1944 in Paris. In this work his author resumed the essential
structure of the ancient greek tragedy: only four characters run through
the action along one day and one night, all closed in the narrow space
of only one place: the living-room and the bed-room of a little hotel
in a little town of Bohemia.
Press Review
“…Très éclectique dans ses choix et dans ses
productions, le compositeur Matteo D’Amico s’est intéressé
plusieurs fois à l’héritage littéraire français.
Son écriture musicale est particulièrement bien adaptée
à la langue française, au sujet, aux situations et aux
personnages…. L’ensemble se révèle rapidement
original, solide et bien structuré, tant du point de vue vocal
qu’orchestral. Le petit ensemble instrumental, mené d’une
poigne sûre par Guillaume Tourniaire, est tout à fait excellent.…
Une intéressante exécution de cette première mondiale,
pour une belle œuvre qui devrait être promise à un
brillant avenir, et que l’on espère voir bientôt
à Paris.”
“…Molto
eclettico nelle sue scelte e nelle sue realizzazioni, Matteo D’Amico
si è interessato molte volte al patrimonio letterario francese.
La sua scrittura musicale si è particolarmente ben adattata alla
lingua francese, al soggetto, alle situazioni e ai personaggi….
Il tutto si rivela presto originale, solido e ben strutturato, tanto
dal punto di vista vocale che strumentale. Il piccolo ensemble, guidato
con mano sicura da Guillaume Tourniaire, è assolutamente eccellente…
Una interessante esecuzione di questa prima mondiale, per un bel lavoro
che dovrebbe avere per sé un avvenire brillante, e che si spera
possa essere presto visto a Parigi.”
“…Composer
Matteo D’Amico is very eclectic in his choice of material and
production techniques, in his interest in French literary heritage.
His musical adaptation is particularly suited to the cadences of the
French language, to the subject matter and to the characters….
The work is original and solidly structured from both a vocal and instrumental
point of view. The small orchestra, directed by Guillaume Tourniaire
is wonderful.… A well-executed World Premier of a work that should
have a bright future, a work that one hopes will soon be seen in Paris.”
Jean-Marcel
Humbert, Forumopera
Le
Malentendu, Atto I, Scene III-IV
SCÈNE
III
Entre Maria,
Jan se retourne brusquement vers elle.
JAN
Tu m’as suivi.
MARIA
Pardonne-moi,
je ne pouvais pas.
JAN
On peut
venir et ce que je veux faire ne sera plus possible.
MARIA (regardant
autour d’elle)
C’est
ici?
JAN
Oui, c’est ici. J’ai pris cette porte, il y a vingt ans.
Ma sœur était une petite fille. Elle jouait dans ce coin.
Ma mère n’est pas venue m’embrasser. Je croyais alors
que cela m’était égal.
MARIA
Jan, je ne puis croire qu’elles ne t’aient pas reconnu tout
à l’heure. Une mère reconnaît toujours son
fils.
JAN
Il y a vingt ans qu’elle ne m’a vu. J’étais
presque un jeune garçon. ma mère a vieilli, sa vue a baissé.
C’est à peine si moi-même je l’ai reconnue.
MARIA
Il aurait
suffi d’un mot.
JAN
Je ne l’ai pas trouvé. Mais quoi, je ne suis pas si pressé.
Je suis venu ici apporter ma fortune et, si je le puis, du bonheur.
Ensuite, j’inventerai les moyens de me faire reconnaître.
Il suffit en somme de trouver ses mots.
MARIA
Il n’y a qu’un moyen. C’est de faire ce que ferait
le premier venu, de dire: “Me voilà”, c’est
de laisser parler son cœur.
On entend
des pas. Le vieux passe devant la fenêtre.
JAN
On vient.
Va-t’en, Maria, je t’en prie.
MARIA
Pas comme
cela, ce n’est pas possible.
JAN, (pendant
que les pas se rapprochent)
Mets-toi là.
Il la pousse
derrière la porte du fond.
SCÈNE
IV
La porte
du fond s’ouvre. Le vieux traverse la pièce sans voir Maria
et sort par la porte du dehors.
JAN
Et maintenant, pars vite. Tu vois, la chance est avec moi.
MARIA
Je veux
rester. Je me tairai et j’attendrai près de toi que tu
sois reconnu.
JAN
Non, tu
me trahirais.
Elle se
détourne, puis revient vers lui et le regarde en face.
MARIA
Jan, il
y a cinq ans que nous sommes mariés.
JAN
Il y aura
bientôt cinq ans.
MARIA (baissant
la tête).
Cette nuit
est la première où nous serons séparés.
(Il se tait, elle le regarde de nouveau).
La séparation est toujours quelque chose pour ceux qui s’aiment
comme il faut.
JAN
Sauvage,
tu sais bien que je t’aime comme il faut.
MARIA
Non, les
hommes ne savent jamais comment il faut aimer. Rien ne les contente.
Tout ce qu’ils savent, c’est rêver, imaginer de nouveaux
devoirs, chercher de nouveaux pays et de nouvelles demeures. Tandis
que nous, nous savons qu’il faut se dépêcher d’aimer,
partager le même lit, se donner la main, craindre l’absence.
Quand on aime, on ne rêve à rien.
JAN
Que vas-tu chercher là ? Il s’agit seulement de retrouver
ma mère, de l’aider et de la rendre heureuse. Quant à
mes rêves ou mes devoirs, il faut les prendre comme ils sont.
Je ne serais rien en dehors d’eux. Je désire que tu me
laisses seul ici afin d’y voir plus clair. Cela n’est pas
si terribile et ce n’est pas une grande affaire que de coucher
sous le même toit que sa mère. Dieu fera le reste.
MARIA (se
détachant de lui)
Alors,
adieu, et que mon amour te protège. (Elle marche vers la porte
où elle s’arrête et, lui montrant ses mains vides.)
Mais vois comme je suis démunie. Tu pars à la découverte
et tu me laisses dans l’attente.
Elle hésite.
Elle s’en va.
Le
Malentendu, Atto III, estratto dalla Scena I
Martha
s’est détournée un peu, la tête en arrière,
semblant regarder la porte.
MARTHA (après un silence, avec une passion croissante)
Tout ce
que la vie peut donner à un homme lui a été donné.
Il a quitté ce pays. Il a connu d’autres espaces, la mer,
des êtres libres. Moi, je suis restée ici. Je suis restée,
petite et sombre, dans l’ennui et j’ai grandi dans l’épaisseurs
des terres. Personne n’a embrassé ma bouche et même
vous, n’avez vu mon corps sans vêtements. Mére, je
vous le jure, cela doit se payer.
Elles se
regardent en silence. La sœur baisse les yeux.
MARTHA
(très bas.)
Je me contenterais
de si peu. Mère, il y a des mots que je n’ai jamais su
prononcer, mais il me semble qu’il y aurait de la douceur à
recommencer notre vie de tous les jours.
La mère
s’est avancée vers elle.
LA MÈRE (lentement)
Trop tard,
Martha. Je ne peux plus rien pour toi. (Elle se retourne vers sa fille.).
Est-ce que tu pleures, Martha? Non, tu ne saurais pas. Te souviens-tu
du temps où je t’embrassais?
MARTHA
Non, mère.
LA MÈRE
Tu as raison.
Il y a longtemps de cela et j’ai très vite oublié
de te tendre les bras. Mais je n’ai pas cessé de t’aimer.
(Elle écarte doucement Martha qui lui cède peu à
peu le passage.) Je le sais maintenant, puisque mon cœur parle;
je vis à nouveau, au moment où je ne puis plus supporter
de vivre.
Le passage
est libre.
MARTHA
(mettant son visage dans ses mains).
Mais qu’est-ce
donc qui peut être plus fort que la détresse de votre fille?
LA MÈRE (mettant son visage dans ses mains).
La fatigue
peut-être, et la soif du repos.
Elle sort
sans que sa fille s’y oppose.